jeudi 17 juin 2010

Cochon à la broche

Ami lecteur, Pierre-Alexandre P., d'Ottenburg, se prépare à recevoir une cinquantaine de convives et nous demande nos bons conseils pour la préparation d'un cochon à la broche, repas rustique mais qui réjouit les coeurs et qui nous rapelle ces méthodes ancestrales de cuisine, déjà attestées dans cette gravure d'époque.

Ce que Brillat-Savarin a voulu dire en écrivant qu' "On devient cuisinier, on nait rôtisseur" c'est sans doute que l'art de la broche et de la cuisson au feu de bois relève plus sûrement de l'instinct que de la technique. Ce qui suit n'est donc pas vraiment une recette, mais quelques remarques qu'on prendra pour ce qu'elles valent. Avant toute chose donc, nous te recommandons d'attirer sur ton âme la grâce divine par une petite invocation à Saint-Laurent, non pas pour flatter l'égo du rédacteur de ces lignes, mais bien parce qu'il s'agit du saint patron des barbecues. 

Le matériel:
Comme son nom l'indique, la cuisson du cochon à la broche implique l'utilisation d'une broche. Tu peux trouver des broches, avec ou sans moteur, sur internet. C'est  assez cher. Une alternative plus économique consiste à prendre bouche avec un ferronnier et lui demander un devis pour une broche dont, ne résistant à aucun sacrifice, nous te communiquons le plan ci-dessous - les mesures sont données à titre indicatif.
L'ami lecteur bricoleur aura soin, pour d'évidentes raison d'hygiène, de privilégier l'utilisation d'acier inoxydable.







Outre une broche, il faut également prévoir:
  • du combustible: l'idée étant d'obtenir une cuisson de longue, très longue durée, deux options s'offrent à toi. La facilité dicte de se rendre acquéreur de 30 kilogrammes de charbon qualité restaurant longue durée, qui devraient permettre au feu de durer une bonne douzaine d'heures. Alternativement, un après-midi au bois devrait permettre de rassembler la stère de chêne qu'on brûlera à part, et dont on ramènera les braises sous le feu;
  • un parasol, ou une tonnelle, qui permettra, en cas de pluie, de protéger la cuisson des intempéries (le bonhomme sur la photo descend de cheval, c'est pour ça qu'il a un pantalon tektonik); 
  • tronçonneuse, merlin, bêche, fil de fer, pince, petit matériel divers... et
  • deux ou trois bon copains pour un coup de main toujours utile. Nous en profitons d'ailleurs pour remercier publiquement Marie-Bénédicte G., de Woluwé-Saint-Lambert, et Quentin G., de Wezembeek-Oppem, pour leur aide précieuse le week-end dernier.
Le cochon:
Ami lecteur, te voici donc équipé du matériel nécessaire. Il ne reste plus qu'à lancer les invitations. Idéalement, la date implique (i) la présence du beau temps et (ii) l'absence d'élections le lendemain. En cas d'élections le lendemain, veiller à envoyer une invitation claire et concise, que personne ne puisse confondre avec de la propagande électorale. De même, éviter les jours de mauvais temps ou de coupe de monde de football, deux prétextes dont certains invités indélicats useront et abuseront pour s'excuser de leur absence. Par contre, privilégier les dates de bal au village, de préférence animé par M. Meyer, le deejay le plus inqualifiablement kitsch du jeune 21ème siècle, qui nous a gratifié de son propre play-back sur les morceaux les plus choisis de Frédéric François, sur Madame de Claude Barzotti, sur la version jumpstyle des Lacs du Conemarra, pour s'achever en splendeurs sur un medley de Joe Dassin (MélancolieSiffler sur la colline, Ça va pas changer le monde, l'Amérique et, en bouquet final, Les Yeux d'Emilie). Mais nous nous écartons du sujet. 

Revenons en donc à nos cochons: deux semaines environ avant la date prévue pour l'évènement, commander, en fonction du nombre d'invités, un cochon chez un excellent boucher. La maison Magerotte, Bouchers-charcutiers à Nassogne depuis 1900, vous propose, par exemple, des Porcs des Prairies d'Ardenne (label déposé) saumurés qui sont proprement irrésistibles. Issu d'un croisement subtil de Landrace et de Duroc, le Porc des Prairies d'Ardenne- ou PPdA - présente, grâce à l'élevage en plein air, une répartition optimale des molécules de lipides dans les tissus musculaires, ce qui lui assure une tendresse que les connaisseurs révèrent dans le monde entier, et depuis l'antiquité romaine - personne n'ignore que le jambon d'Ardenne faisait déjà les beaux jours des marchés de la Ville éternelle sous Auguste. Nous avons, le week-end dernier, fait l'acquisition de Maurice, petit verrat de 40 kilos (vivant). Grâce aux bons soins de la maison Magerotte, Maurice fut vidé et saumuré pendant une semaine dans un mélange d'eau, de vinaigre et d'épices dont la composition - secret jalousement gardé - parfume subtilement la viande. Au moment d'enlever la carcasse de sa saumure, pas la peine de s'encombrer des pieds, qui sont certes délicieux s'il sont préparés dans les règles de l'art, mais qui ne prêtent que très peu à la cuisson à la broche. La tête, par contre, est à conserver: non seulement elle donnera beaucoup de caractère à l'évènement que tu organiseras, mais elle te permettra en outre de goûter à la joue, morceau de roi s'il en est. Tu n'oublieras pas, bien entendu, de rappeler au boucher que la vocation du cochon est d'être embroché, de sorte qu'en vidant l'animal, il prenne soin de dégager les orifices qui permettront le passage de la broche.

La cuisson:
Ce qui précède, ami lecteur, reste principalement l'affaire de quelques bons fournisseurs, et n'a d'ailleurs que proportionnellement bien peu d'importance par rapport au caractère fondamental, essentiel et prépondérant de la cuisson adéquate du cochon. Aussi ne nous paraît-il pas inutile de rappeler ici ce principe fondamental de la cuisine qui veut que la viande cuise à la température à laquelle coagule le sang et se dissout le collagène, soit 62/63°C. L'idée de base, quand on cuit un cochon à la broche, est donc que le rayonnement infra-rouge produit par les braises - je ne te ferai pas l'insulte, ami lecteur, de souligner que la flamme est prohibée sous la viande - vienne chauffer suffisamment l'extérieur du cochon, puis que cette chaleur se propage par inertie de sorte que tous les morceaux, à coeur, en viennent à atteindre la température de cuisson adéquate. Toutefois, puisque cette température est bien inférieure à celle de l'ébulition de l'eau, la viande restera tendre et juteuse. Ami lecteur, si, pour paraphraser Anthèlme, tu n'es pas "né rôtisseur", un thermomètre à sonde sera des plus utiles. Pour le reste, voici quelques bons conseils:

  • Maurice, qui devait peser une petite trentaine de kilogrammes sur la broche, a cuit 12 heures et n'était certainement pas trop cuit. Prévoir donc une durée de cuisson longue, très longue;
  • Nous le répéterons ad nauseam, mais il est très important de n'utiliser que de la braise sous le cochon. Si nécessaire, faire un second feu dont, à la pelle bien sûr, on retirera les braises pour les placer sous le cochon. Les braises gagneront à être placées légèrement de part et d'autre du cochon, de manière à ce que les projections de graisses qui tombent à la verticale de la broche ne prennent feu sur le charbon. De même, on peut concentrer un peu la quantité de braises au niveau des cuisses et des épaules;
  • Lorsqu'on ne dispose pas d'une broche motorisée ou d'une bonne âme pour tourner continuellement la broche pendant les dites douze heures de cuisson, il faut faire attention à deux éléments: d'une part, il faut tourner la broche avec une certaine régularité quand même, pour éviter que la couenne ne soit carbonisée côté feu et que la cuisson ne s'arrête sur la face non-exposée à la chaleur et, d'autre part, il faut tenir compte du fait que la couenne carbonisée - ce qui finira immanquablement par arriver - se décolle de la chair et crée donc un espace vide qui ralentit la cuisson;
  • Le cochon gagnera a être régulièrement arrosé pour tempérer légèrement la cuisson des couches extérieures - de la bière fera parfaitement l'affaire. La fine bruine peut convenir, elle aussi, mais il faut être vigilant que celle-ci n'en vienne à trop refroidir les braises. Dans ce cas, ou en cas de pluie plus marquée, se référer à ce qu'on a dit du parasol ou de la tonnelle, plus haut;
  • Pour encore améliorer le goût du cochon, préparer une marinade en délayant du miel de bonne qualité dans un peu d'huile d'olive, et mélanger avec quelques poignées d'herbes de Provence. En badigeonner ensuite le cochon à l'aide d'un fagot de branches de thym.
  • La détermination du moment où la viande atteint le degré de cuisson souhaité reste une affaire d'instinct, mais, outre le thermomètre à sonde, un bon indicateur reste la brochette planté dans la viande. En principe, elle ne doit plus exsuder de sang.

La découpe

Ami lecteur, pour te récompenser d'avoir déjà lu toutes ces indications, passons aux nouveaux médias pour illustrer l'art (?) de la découpe du cochon cuit:

[Alléluia - nous sommes parvenus à mettre une vidéo sur notre blog]
N'oublie pas, ami lecteur, que dans le cochon, on ne perd que le cri: en principe, tout, de la queue aux oreilles, est comestible (sauf la tête, où on se contentera des joues et, pour les die hard, des fameuses gencives de porc).

Les amis:
Ami lecteur, il peut paraitre paradoxal de conclure ce post par ce qui, en fait, s'avère être la première condition pour que le cochon soit réussi : de bons amis avec qui le partager. Un joli proverbe burkinabais dit que le contenu d'une cacahuète est suffisant pour que deux amis puissent la partager. Il en va autrement du cochon pour lequel, en toute honnêteté, il faut être au moins 25 couverts. Outre les couverts, prévoir aussi des boissons; et surtout ne pas oublier un service d'ordre musclé afin d'éviter les comportements peu reluisants comme ceux qui illustrent la fin de ce blog, et dont l'occurrence n'a rien, mais rien à voir du tout avec lesdites boissons.

Il ne nous reste plus qu'à conclure en remerciant Sybille R. de Wezembeek-Oppem, et Isabelle R. de Bruxelles, pour leurs jolies pélicules, et tout ceux qui, en bravant la distance, les intempéries, les élections et deejay Meyer pour venir déguster le cochon, ont rendu ce post possible.







6 commentaires:

  1. ... De toutes les photos des débordements cités ci-dessus, le fait que tu ais choisi celle-ci ne m'étonne guère.

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  2. Eh bien non, Sybille... il n'y avait que celle-là... nécessité fait loi, je t'assure! Mais de toutes celles qui embrassent quotidiennement des cochons, je crois que tu es celle qui a choisi le meilleur!

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  3. tu n'aimes pas la tectonik?

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  4. ahahahah pain saucisse, la vidéo des couteaux est mythique!!

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  5. Bonjour, conseillez une tonnelle pour protéger la bête, mais quelle est la matière de la toile ? Je craint que les tonnelle en polyéthylène du marcher ne support pas la température du foyer !

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  6. Pour juger de la fin de la cuisson, prendre une cuillère et un couteau. enfoncer ce dernier dans la cuisse posterieur et observer le jus dans la cuillère ;) http://www.rotisserie-audun.fr

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